Les homélies du temps ordinaire
6ème dimanche du Temps Ordinaire
Heureux celui qui ressemble à Jésus !
Depuis dimanche dernier, dans l’Évangile de saint Luc, il s’est passé beaucoup de choses. Il y a une semaine nous lisions l’appel des quatre premiers Apôtres, et l’épisode de la pêche miraculeuse ; et puis Jésus a accompli de multiples guérisons (lépreux, paralytique…). Il a encore appelé les huit autres Apôtres ; et Il a aussi dû se confronter aux remarques des pharisiens, car parmi les huit il y avait un collecteur d’impôts, qui était méprisé par ses contemporains. Même les pécheurs, les gens imparfaits, Jésus les appelle et les envoie en mission ! Jésus accomplit donc beaucoup de choses, enseigne et fait des miracles ; mais Il n’est pas d’abord venu pour faire des guérisons étonnantes ni pour entraîner les foules. Par ses paroles, Il explique le sens de sa mission : c’est ce qu’on appelle les Béatitudes. « Heureux les pauvres… ceux qui pleurent… Malheureux les riches, et ceux dont on dit du bien ! ».
Nous avons aussi entendu le prophète Jérémie, dont les paroles sont assez proches de celles de Jésus. C’est un thème qui traverse tout l’Ancien Testament, dont Jérémie se fait le témoin : la Bible invite les hommes à compter sur Dieu seul. Le seul chemin de bonheur, pour le peuple d’Israël et pour tout homme, c’est de faire confiance au Seigneur et à sa force. Il y a les « hommes forts », c’est-à-dire ceux qui comptent sur leur propre force : par exemple, les rois des nations païennes qui entourent Israël et lui font la guerre. Ceux-là ne dureront pas, car leur force est éphémère : ils finiront par faiblir, dit Jérémie, « comme un buisson sur une terre désolée ». En revanche, ceux qui comptent sur le Seigneur et mettent leur force en Lui, ceux-là n’auront aucune crainte, ils seront « comme un arbre planté près des eaux » : car Dieu seul est puissant. Tout au long de l’histoire d’Israël, le Seigneur a accompli des merveilles en donnant la force à son peuple : Il l’a libéré d’Égypte malgré la puissance du Pharaon.
Les Béatitudes, dans l’Évangile d’aujourd’hui, ressemblent aux paroles du prophète. « Heureux vous les pauvres », dit Jésus, car effectivement vous pouvez compter sur la vraie richesse, qui est votre Père des cieux. Même dans le malheur, Dieu est votre vrai bonheur. Mais ce n’est pas seulement un appel à compter sur Dieu : c’est surtout une invitation à ressembler à Jésus, qui est le modèle parfait de l’existence humaine. Qui a vécu parfaitement la confiance envers le Père, sinon Jésus ? Par tout ce qu’Il fait, Il manifeste qui Il est : le Fils de Dieu, l’exemple idéal de ce que nous pouvons être sous le regard de Dieu.
Jésus donne une parole, mais Il n’est pas d’abord un beau parleur ; Il fait des guérisons, mais Il n’est pas d’abord un guérisseur. Il est le Fils de Dieu, le Sauveur qui réconcilie le monde avec son Père. Et pour cela, Il annonce la Parole de Dieu car tous les hommes ont besoin d’entendre cette Parole ; Il guérit, car la maladie est un signe du désordre lié au péché, à la séparation entre l’homme et Dieu. Et dans les Béatitudes, Jésus décrit la “manière d’être” qui est la sienne, et que nous pouvons imiter avec sa grâce. Celui qui a été pauvre, qui a été rejeté par les hommes, qui a été condamné injustement (« Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent et vous insultent… »), c’est Jésus Lui-même ; et Il a fait de toute sa vie, surtout de sa condamnation et de sa mort, un chemin vers l’Amour de Dieu et vers le salut des hommes. Il nous montre l’exemple de quelqu’un de pleinement « heureux », car Il est dans la parfaite confiance avec son Père. À nous de L’imiter ! Et en sens contraire, Il nous met en garde : « Quel malheur pour vous », dit-Il, si nous refusons d’être comme Lui, si nous nous mettons à la première place, si nous mettons notre confiance dans nos richesses : c’est le meilleur moyen de ne pas connaître l’Amour du Seigneur.
Il ne faut donc pas nous tromper quand nous écoutons l’Évangile. Jésus fait de grandes choses par ses paroles et ses actions, mais la plus grande de toutes, c’est bien d’accepter d’être pauvre au milieu de nous. L’amour de Dieu se montre le plus proche quand Jésus se fait pauvre, dépouillé, et même souffrant, comme Il le décrit dans les Béatitudes. Lui aussi, Il sera rejeté, détesté, persécuté, et sa Croix deviendra l’instrument de la réconciliation.
Être « heureux » comme Jésus nous le propose, c’est le seul chemin qui nous assure que le Seigneur est toujours avec nous, quelle que soit notre situation. Il ne nous dit pas qu’il est “mieux” d’être pauvre et malheureux : mais Il nous dit que même dans la pauvreté et le malheur, Il est là, avec nous, puisqu’Il a traversé tout cela. « Heureux sommes-nous », si nous comptons sur le Seigneur seul : Il nous accompagne, et au-delà des épreuves, Il nous conduit vers sa Résurrection.
Pastorale de la santé
Qui enverrai-je ?
Nous sommes encore au début de l’Évangile de saint Luc, après les premières guérisons et l’annonce de la Bonne Nouvelle : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, Il m’a envoyé pour porter la bonne nouvelle aux pauvres » [avant-dernier dimanche]. Jésus, très vite, appelle ses premiers disciples. Ce qui est marquant dans le récit d’aujourd’hui, c’est qu’à l’origine de cet appel, il y a l’échec de l’homme. Pierre et André, Jacques et Jean, sont dans une situation de crise, d’insuccès, car comme Simon-Pierre le dit lui-même : « Nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre ». Leur travail a été vain. Et ce n’est certainement pas un hasard, si Jésus vient appeler des hommes au moment même où ils sont dans le désarroi et la difficulté. Être appelé par le Seigneur, c’est justement avoir compris la différence entre un succès facile, un petit bonheur du monde ; et la vraie joie, qui passe par le dépouillement et une confiance intégrale mise dans la Grâce de Dieu. Le Seigneur n’appelle et n’envoie en mission, que ceux qui reconnaissent leur pauvreté.
Sans doute, Pierre et les autres disciples devaient-ils expérimenter leur échec et leur faiblesse, pour que la voix de Jésus parvienne à leurs oreilles. Celui qui est comblé, “installé” dans une vie tranquille, n’a pas la disponibilité pour répondre au Seigneur (ni même pour L’entendre). Or c’est justement là, dans la pauvreté et l’échec, que le Seigneur appelle, car Il veut transformer la vie : Il ne veut pas juste procurer une bonne conscience ou du bien-être, mais changer radicalement l’existence de ceux qu’Il veut appeler. Parfois son action est forte, et elle peut effrayer les hommes ; comme saint Pierre qui prend peur devant l’abondance de sa pêche : « Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur ». Dieu m’appelle pour me conduire à quelque chose que je n’imaginais pas, et dont la grandeur m’effraie ! Mais « sois sans crainte », nous dit Jésus : avec la grâce du Seigneur, tout est possible.
Le prophète Isaïe, de son côté, est moins timoré que Pierre ! Lui, il répond au Seigneur qui demande : « Qui enverrai-je ? ». Isaïe n’hésite pas : « Me voici, envoie-moi ! ». Pourtant, il a expérimenté, lui aussi, le péché de son peuple « aux lèvres impures » ; mais il a compris que cet appel du Seigneur va le rendre capable de dépasser son infidélité. Accueillir dans notre vie la Parole de Dieu, c’est faire l’expérience de sa puissance de transformation. Peu à peu, nous prenons conscience que tout vient de Dieu, et que tout retourne à Dieu. Avec Lui nous devenons capables de l’impossible, car les dons qui viennent de Dieu nous transforment ; et ce que nous accomplissons, nous pouvons en faire une offrande au Seigneur [tout retourne à Dieu !], offrande d’amour qui donne un sens à notre action. C’est cela l’expérience de l’appel du Seigneur et de la mission : au cœur de nos échecs et de nos péchés, nous recevons la présence du Seigneur, nous recevons sa Miséricorde, nous sommes transformés : et nous devenons alors messagers du Seigneur (comme Isaïe) pour annoncer sa puissance et ses merveilles.
Cette parole : « Qui enverrai-je ? » nous est donnée aujourd’hui comme thème lié au Dimanche de la santé. Elle dit en particulier que le Seigneur nous envoie auprès des malades, des personnes seules et en précarité. Nous nous souvenons en même temps de cette belle parole de Jésus : « Ce que vous avez fait au plus petit, c’est à moi que vous l’avez fait » [Mt 25,40]. Visiter les malades, cela ne vient pas de notre force personnelle, ni de l’amour toujours limité de notre cœur : c’est un appel du Seigneur qui donne en même temps la force et la joie. Sans cet appel, on perd vite la charité et la sollicitude : on se décourage devant les souffrances. Si le Seigneur n’envoie pas en mission, on ne perçoit pas la joie de la visite et du dialogue ; on ne comprend plus l’importance du dialogue d’amour avec les plus faibles. Le monde actuel nous en montre un triste exemple : la tentation revient sans cesse de se débarrasser des personnes malades et âgées [sous des prétextes qui paraissent humanistes]. En vérité, seul l’appel que Dieu nous lance (« Qui enverrai-je ? ») permet de sortir de soi-même, de son confort et de son égoïsme, pour se confronter à la réalité de la faiblesse humaine, et pour y trouver des signes de l’Amour du Seigneur.
Oui, Dieu appelle, et Il donne la grâce de suivre son appel : nous devenons capables de l’impossible ! En visitant les malades, nous pouvons redire comme saint Paul [deuxième lecture] : « Ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu. Je me suis donné de la peine […] mais ce n’est pas moi, c’est la grâce de Dieu avec moi ». Accueillons donc l’appel, et répondons au Seigneur : « Me voici, envoie-moi », et je pourrai porter ton Amour à ceux qui souffrent et qui sont seuls. Avec ta Grâce, tout deviendra possible, la Bonne Nouvelle sera annoncée aux malades !
Présentation du Seigneur au Temple
Le don du Seigneur est Lumière
Nous voici quarante jours après la naissance du Sauveur à Bethléem : selon la coutume et la Loi de Moïse [Ex 13,14], l’Enfant Jésus est présenté au Temple. Il est ainsi consacré au Seigneur, comme tout enfant juif (surtout les premiers-nés). C’est un usage ancien lié à la purification de la mère après l’accouchement ; mais c’est surtout un rappel de la libération d’Égypte, qui est l’épisode fondateur de toute l’histoire d’Israël. Les premiers-nés avaient été voués à la mort par le Pharaon, car les Hébreux devenaient trop nombreux ; à leur tout, les premiers-nés d’Égypte ont été enlevés par l’Ange de Dieu, au cours de la nuit du passage de la mer Rouge. Le premier-né d’une famille est le signe éminent du don de Dieu, le symbole du don de la vie : en consacrant leurs premiers-nés au Seigneur, les Israélites rendent grâce à Dieu pour ce cadeau. Aller offrir les enfants au Temple de Jérusalem, c’est reconnaître que la vie donnée par Dieu retourne à Dieu.
Le Seigneur vient donc se rendre présent dans toutes les dimensions de nos vies. Sans Lui, la vie familiale se ferme sur elle-même ; Lui seul nous ouvre à la grandeur, à l’émerveillement devant le don de la vie. Il y a quarante jours, le Fils de Dieu naissait au cœur d’une famille humaine. Ce n’était pas seulement le don de la vie naturelle, mais la Vie de Dieu qui faisait irruption dans l’intimité de la famille ; et depuis, cette présence de Dieu nous est proposée à chacun, quel que soit notre état de vie.
Ce qui se passe ce jour-là au Temple de Jérusalem, ce n’est pas seulement la consécration d’un enfant. C’est presque le contraire : c’est le Temple lui-même, le lieu de la prière de la communauté (qui représente en quelque sorte tout le peuple de l’Alliance), qui reçoit la présence de Dieu. Le prophète Malachie l’avait annoncé [première lecture] : « Soudain viendra dans son Temple le Seigneur que vous cherchez, le messager de l’Alliance que vous désirez ». Dieu se rend présent dans son Temple, mais Il le fait pour la dernière fois ; car désormais, la vraie présence du Seigneur sur terre, c’est en Jésus qu’elle se réalise. Trente ans plus tard, au moment de la mort de Jésus, le rideau du Temple se déchirera [Mt 27,51] : la présence de Dieu ne sera plus localisée en un seul endroit, mais elle s’étendra sur la terre entière par l’Église. Dieu n’habite plus seulement son Temple : Il veut demeurer dans le cœur de l’homme par sa ressemblance avec Jésus, et Il veut que ses dons soient transmis à toute l’humanité.
La Présentation de Jésus au Temple anticipe donc le don de Dieu à tous les hommes. Ce que l’Enfant Jésus, porté par sa mère, vient annoncer au Temple, c’est la Nouvelle Alliance : avec Syméon, nous pouvons nous réjouir de l’accomplissement des promesses ! Désormais, l’Alliance ne passe plus par des sacrifices d’animaux, comme on le faisait autrefois au Temple, mais par le don de l’Amour accompli par Jésus. C’est Lui le vrai grand prêtre annoncé par la Lettre aux Hébreux [deuxième lecture] : Il n’offre plus les sacrifices de la Loi de Moïse, mais Il offre sa vie pour porter et enlever les péchés du monde. Lorsque Marie offre son enfant à Dieu comme toutes les mères juives, elle nous fait déjà entrevoir l’offrande de Jésus sur la Croix. Un jour, à nouveau, Marie offrira son enfant ; mais ce sera dans la douleur du Vendredi Saint. Syméon le lui annonce clairement : « Ton âme sera traversée d’un glaive ».
Cet épisode de l’Évangile paraît un peu éloigné : on n’y pense vraiment que quand il tombe un dimanche, comme cette année. Mais cela reste une grande fête, car c’est une manifestation de la Lumière de Dieu (comme l’Épiphanie célébrée il y a quatre semaines), et un signe que les promesses du Seigneur s’accomplissent. Syméon, témoin privilégié de cette lumière, chante un cantique que nous connaissons bien [chanté aux Complies, l’office de la fin du jour] : « Mes yeux ont vu ton salut, ta lumière révélée à toutes les nations ». C’est une fête de lumière, d’où le nom traditionnel de Chandeleur [qui vient des « chandelles »] ; lumière du Seigneur qui vient nous sauver, lumière qui illumine le Temple de Jérusalem, qui éclaire le peuple d’Israël, ce « peuple qui marchait dans les ténèbres » [Is 9,1]. Autrefois, le Temple était le lieu où Dieu était présent, mais de manière cachée et à travers les sacrifices : désormais, tous les hommes contemplent le Christ à travers le don de la Vie, le don de l’Amour.
Nous aussi, comme Marie et Joseph, allons vers le Seigneur pour Lui consacrer notre vie, puisqu’Il a voulu nous offrir sa vie. Tous les soirs avec l’Église, nous pouvons redire : « Maintenant, ô Maître, tu peux laisser ton serviteur s’en aller en paix : mes yeux ont vu ta lumière et ta gloire ! »
3ème dimanche du Temps Ordinaire
Faits pour le Seigneur
Nous avons entendu le prologue de l’Évangile selon saint Luc, au début de l’année consacrée à cet Évangéliste. Pour “planter le décor” du récit qu’il va transmettre, saint Luc atteste qu’il a soigneusement enquêté sur « les événements qui se sont accomplis » : c’est-à-dire l’histoire de Jésus, sa naissance, ses paroles et ses actions, sa mort et sa Résurrection. Luc a donc recueilli les témoignages, écouté les divers témoins, et mis en forme tout ce qu’il a appris. S’il explique ainsi sa méthode, c’est pour vérifier la « solidité des enseignements » de l’Église. Ce qui a fondé notre foi, tous ces récits et ces paroles, ce ne sont pas des mythes, ni le résultat d’une illusion. Notre foi est fondée sur la Vérité : Dieu est venu vivre parmi les hommes, Il est intervenu dans notre Histoire humaine [à l’époque d’Hérode, de Ponce Pilate, de tous ces personnages historiques] ; et Il est venu pour nous sauver. L’histoire de l’Évangile, c’est une histoire de Salut, une histoire d’Amour : l’histoire vraie d’un Dieu qui aime les hommes jusqu’au bout. Parce que Luc (et les autres Évangélistes) nous ont transmis tout cela, nous ne tournons plus en rond entre nos doutes et nos désirs : Dieu brise le cercle de notre enfermement et de notre désespoir, pour nous ouvrir à Lui.
Nous avons besoin d’entendre la Parole de Dieu, car justement elle nous ouvre et nous élève ; elle nous donne une nouvelle Espérance. Sans cette Parole, nous ne savons pas comment orienter notre vie. Dans l’épisode très touchant de la première lecture [Livre de Néhémie], les Israélites sont revenus de l’exil à Babylone après plusieurs décennies, ils ont oublié la Parole du Seigneur, ils ne savent plus comment vivre ; et Esdras leur fait la lecture de cette Parole, de cette Loi de Sagesse donnée par le Seigneur. C’est un moment de joie et en même temps de tristesse : on voit le peuple simultanément jubiler et pleurer ! En effet, c’est une immense joie d’entendre parler le Dieu d’Israël, le Dieu fidèle à son Alliance ; mais c’est aussi une émotion intense de se rendre compte qu’on a été éloigné de Dieu pendant si longtemps, et qu’on a été infidèle. Le contact avec la Parole de Dieu révèle à l’homme la grandeur de sa vocation, l’extraordinaire appel de l’homme à vivre avec son Dieu ; mais aussi, nous prenons conscience de notre petitesse, de notre péché, de la différence entre l’appel du Seigneur et la faiblesse de notre réponse.
Voilà pourquoi il est si important de redire, comme saint Luc dans le prologue de son Évangile, que Dieu est vraiment venu nous sauver. Sans Lui, nous nous enfermons dans nos fautes, dans nos insuffisances, ou dans notre orgueil ; Lui seul a la puissance de nous libérer de notre isolement et de nous réconcilier avec Lui, avec nos frères, et avec nous-mêmes. Nous ne devons jamais oublier cet appel de Dieu à la vraie liberté. Or trop souvent, nous nous contentons de nos petites faiblesses quotidiennes. Parce que le monde est ce qu’il est, parce que le mal est autour de nous, nous finissons par nous y habituer, et nous oublions de lever les yeux vers Dieu ; nous oublions que Jésus est venu nous sauver, nous ressusciter, faire de nous une nouvelle création ! Il est important de garder en même temps, comme les Israélites du retour d’exil, les larmes et la joie : les larmes du péché, la joie du salut. Si nous ignorons cela, notre cœur se dessèche et se durcit. Ne pas espérer dans le Seigneur, c’est toujours tomber dans le désespoir.
Lorsque Jésus parle dans la synagogue de Nazareth, Il annonce la Bonne Nouvelle du Salut, et les hommes entrent dans une nouvelle Espérance. « Le Seigneur m’a consacré, Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle, la libération ». Tous les enfermements des hommes (prison, pauvreté, cécité, injustices…), tout cela va être brisé par le Seigneur. Jésus vient rendre l’homme à lui-même, mais plus encore, Il vient réconcilier l’homme avec son Dieu en lui annonçant la Parole. La vie de l’homme ne trouve son sens que par la présence de Dieu, et cette présence s’accomplit dans la Personne de Jésus.
C’est pour cela que nous honorons les Saints [particulièrement saint Antoine] : leur mission, c’est de nous rappeler que l’Amour du Seigneur est préférable à tout le reste. Certains Saints ont été déraisonnables aux yeux du monde (ils ont tout quitté pour l’Amour de Dieu !) : ainsi, ils nous ont montré que la seule quête qui donne un sens à la vie, c’est de chercher le visage du Seigneur. Ils ont eu des vocations différentes, car les dons de Dieu sont divers [comme nous l’a rappelé saint Paul, deuxième lecture] : mais personne n’est tenu à l’écart de l’appel de Dieu. Les moins honorables aux yeux des hommes sont peut-être les plus proches de Dieu ! Mais l’essentiel est le même pour chacun : écouter la voix du Seigneur, accueillir le Christ dans notre vie, chercher son visage, Le prier, être sauvé et renouvelé ; et transmettre aux autres l’Amour que nous avons reçu. « Le Seigneur m’a envoyé porter aux pauvres la Bonne Nouvelle du Salut ! »
2ème dimanche du Temps Ordinaire
La fidélité du Seigneur
Au début de ce Temps de l’Église (« Temps ordinaire » après l’Épiphanie), nous méditons un épisode bien connu de l’Évangile selon saint Jean, celui des noces de Cana. Nous savons l’importance de ce passage, surtout en ce qui concerne le rôle de la Vierge Marie : c’est elle qui vient trouver Jésus, qui Lui apporte les difficultés des hommes, c’est elle qui prie pour eux. Et c’est encore elle qui nous invite à écouter son Fils : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le ». Marie est la priante, celle qui intercède et nous montre le chemin vers Dieu. Elle exerce pleinement sur nous son rôle de Mère, en nous conduisant vers le Père, en nous montrant l’exemple de la foi et de la confiance.
Cet épisode se déroule au cours d’un mariage, ce qui n’est pas dû au hasard. Dans cet Évangile, Marie n’est pas seulement la Mère : elle est aussi l’Épouse, par sa confiance, par son Espérance et son amour. D’ailleurs, on peut noter que dans ce récit de mariage, l’épouse n’est pas présente… saint Jean veut nous dire quelque chose par cette absence ! L’Épouse, c’est donc Marie, qui représente la fidélité et l’engagement face à Dieu. Quant au marié de ces noces, il n’est pas très présent non plus ; on voit bien que Jésus a le premier rôle, Lui qui redonne la joie aux invités par l’abondance du « bon vin ». Jésus est l’Époux de l’Église ; Il la comble de ses bienfaits et lui donne la vraie joie.
Ce récit des noces de Cana est donc une histoire de fidélité mutuelle entre Dieu et les hommes. L’humanité est représentée par Marie, fidèle à la prière incessante, qui garde une confiance inaltérable ; et le Christ est fidèle à son Alliance, à son engagement envers le peuple qu’Il a épousé (comme nous le voyons déjà dans la première lecture : « Le Seigneur t’a préférée, et cette terre deviendra “L’Épousée” »). La fidélité de Dieu envers l’homme, et la fidélité (parfois fluctuante…) des hommes pour Dieu, ce dialogue incessant : tout cela rend possible l’abondance des dons de Dieu et la joie des hommes : « Tu as gardé le bon vin jusqu’à maintenant ! ».
Dans la deuxième lecture de ce dimanche, saint Paul parle justement aux Corinthiens des dons de Dieu. Il leur montre à quel point le Seigneur veut combler avec abondance les cœurs des croyants. Depuis que l’Esprit saint a été donné à l’Église le jour de la Pentecôte, ce même Esprit ne cesse d’être envoyé aux enfants de Dieu. Et Paul insiste sur la variété des dons de l’Esprit, tout en affirmant que tous les dons faits aux hommes viennent « du même Dieu qui agit en tous, en vue du bien ». Parce que nous recevons l’Esprit saint, nous demeurons dans la fidélité au Seigneur ; ce n’est pas en nous-mêmes que nous trouvons la force et la fidélité, mais dans les dons de la Grâce de Dieu. Et le plus extraordinaire, c’est justement que chacun reçoit un don spécial pour rester fidèle dans la particularité de sa vocation. Nous pouvons admirer tous les Saints, car chacun a reçu un don particulier. La charité de saint Martin envers le pauvre qu’il rencontre, n’est pas exactement la charité de sainte Mère Teresa envers les délaissés de Calcutta ; et pourtant, c’est le même Esprit qui rend chacun fidèle à sa vocation. Les dons de l’Esprit que j’ai reçus lorsque j’étais enfant ne sont pas ceux dont j’ai besoin aujourd’hui pour rester fidèle au Seigneur ; ni ceux dont j’aurai besoin lorsque arriveront l’âge et la maladie… Mais c’est toujours le même Esprit et le même Amour.
Dieu reste fidèle en toutes circonstances, comme un époux à son épouse. Lui, Il ne change pas ! Mais Il nous donne ce dont nous avons besoin pour persévérer dans la fidélité tout au long de nos vies. Nous avons reçu l’Esprit saint, le Seigneur s’est engagé envers nous, Il nous a « épousés », et son Amour ne cessera jamais.
Cette relation entre Dieu et l’humanité demeure à tout moment, puisque c’est un engagement éternel. Sans cesse, le Seigneur nous redit ce qu’Il disait par la bouche du prophète Isaïe [première lecture] : « Comme la jeune mariée fait la joie de son mari, tu seras la joie de ton Dieu ». Il est heureux de voir notre foi, et Il nous donne le « bon vin » de sa joie !
Nous sommes donc certains de ses dons ; et nous, notre manière de vivre doit être une réponse digne de l’engagement de Dieu. Sommes-nous fidèles dans nos vies, dans nos engagements ? Dans un monde mouvant, où tout est sans cesse remis en question, est-ce que nous gardons la constance, la persévérance, qui sont des signes d’amour ? Gardons l’exemple de Marie, qui a toujours été fidèle dans les épreuves : elle nous redit aujourd’hui : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le ». En restant fidèles à l’Évangile, à la volonté du Seigneur et à nos promesses, nous répondons à l’engagement de Jésus, l’Époux fidèle ; et comme l’Épouse, nous faisons la « joie de notre Dieu » !